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    J'ai tapé Google Images...

    puis la ville de mon enfance que je reconnais si peu...
    on croit souvent le temps arrêté sur le souvenir des lieux ,
    hélas il n'en n'est rien ,
    ils ont leur vie propres et continuent d' évoluer au fil des années
    pour devenir la nostalgie de quelqu'un d'autre..

    J'ai fait défiler les images à la recherche de parcelles de passé pas trop altérées , seul le ciel semblait intact sur la plupart des clichés...les mêmes nuages lourds aux reflets gris ardoise...de ces mêmes ardoises brillantes aux toits de la ville....la statue de Napoléon , fidèle au poste au centre d'un environnement qui m'est devenu étranger...la basilique Sainte Trinité un peu plus loin et des réminiscences de communion solennelle....le port de pêche devenu plaisance ...je me demande s'il y flotte encore son odeur de marée , de varech et coaltar mêlé...le cri déchirant des mouettes au ras d'écume...la sirène du pont-tournant.....
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    Je me suis arrêté sur celle-là.....la digue du Homet....
    une vague d'émotion venue du tréfonds du subconscient...le ciel n'était pas bleu ce jour là...mais lourd et chargé comme le plus souvent...la mer n'était pas étale mais moutonneuse ponctuée de petites gerbes mousseuses annonciatrices de gros temps.....je chevauche mon randonneur flambant neuf en direction du fort à l'extrémité des kilomètres de digue...et puis le vent se lève...la mer de plus en plus houleuse vient frapper avec violence les rochers en contrebas...la lumière décline , les bourrasques de plus en plus violentes menacent de m'envoyer à l'eau , je n'arrive plus à rouler droit , ma machine devient incontrôlable...je décide de faire demi-tour...je roule au plus près du parapet pour me protéger du vent...c'est alors que brutalement les éléments se déchaînent , la pluie torrentielle en mitraille...la houle transformée en vagues monstrueuses qui s'écrasent contre le granit en explosions d'écume....j'ai peur et trouve refuge dans un abri taillé dans le muret...j'y glisse mon vélo et ma carcasse trempée...assis sur mes talons , grelottant autant de froid que d'angoisse je guette l'accalmie à travers les cataractes de cet enfer liquide... en écrivant ces lignes j'ai encore le goût saumâtre des embruns qui me remonte aux lèvres.....

     

     


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    « Qu'est-ce qui m'a foutu un pareil pot d'tabac....t'as l'air d'un lolosse !!! »

    Papa a raison ,

    cela va bientôt faire une semaine que je n'ai pas rendu visite au coiffeur . Il surveille ma progression capillaire avec beaucoup plus d'attention que l'évolution de mon carnet de notes , une certaine forme de déformation professionnelle...il me plaque une main sur la tête , m'emprisonne les mèches entre les doigts , et me fait sentencieusement remarquer que si j'étais l'un de ses matelots , j'aurais droit à une semaine au trou , pas un cheveu ne doit dépasser des phalanges , le règlement c'est le règlement , il n'y a pas à discuter.... exécution !!!

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Mr. Sanchez se retourne au tintement aigrelet de la clochette alors que je pousse la porte vitrée de son salon de la rue Hippolyte de Tocqueville .

    «  Ah c'est toi , assied-toi , i'en ai pour oune minoute , i'é fini monsieur , et l'é m'occoupe dé toi ! « 

    <o:p> </o:p>Mr. Sanchez est un réfugié de la guerre d'Espagne , le visage bronzé sillonné de rides profondes , le cheveu noir lustré de brillantine , une fine moustache à la Errol Flynn , il adore me raconter ses souvenirs même si je ne comprend pas le quart de ce qu'il dit....je l'aime bien , notre rencontre hebdomadaire finit par tisser des liens , il parle sans arrêt , un mégot collé au coin des lèvres , une cigarette neuve coincée derrière l'oreille qui attend que la place se libère , d'une curieuse voix rauque que lui-même attribue à l'excés de tabac .

    <o:p> </o:p>Comme d'habitoude ??...C'est çà , comme d'habitoude , une brosse ultra-courte , bien dégagé derrière les oreilles....je déteste çà , j'ai les oreilles décollées , quand je sors de chez lui on les voit encore plus , çà me fiche des complexes , maman m'affirme qu'il n'y a que moi qui le remarque , mais je suis sûr qu'elle ment ou alors elle est aveuglée par son amour maternel .

    C'est vite fait , quelques coups de ciseaux , le cliquetis de la tondeuse glacée qui se promène sur ma nuque , le cylindre de gomina bien gras qu'il me frotte énergiquement du front vers l'arrière du crâne pour maintenir le poil bien dressé , la balayette qui me chatouille le cou pendant qu'il écarte d'un doigt le col de ma chemise , le miroir qu'il promène fièrement de bas en haut et de gauche à droite pour me faire admirer une œuvre que je n'ose pas regarder....il me débarasse de la blouse à larges manches qu'il secoue consciencieusement sur les gens qui attendent , m'aide à descendre du fauteuil , me brosse partout une dernière fois , m'ouvre la porte...
    «  Tou dira bonïour à ton papa dé ma part ! »

    <o:p> </o:p>Je rase les murs , je vois en coin mon reflet dans les vitrines , je me trouve ridicule , j'ai honte , il faut absolument que je demande à maman de m'acheter une casquette...

     



     


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    Monsieur Ferrieux passe la porte que maman lui ouvre toute grande ,

    gras et transpirant les trois étages péniblement gravis ,un lourd carton de provisions serré sur sa bedaine  dissimulant aux trois quarts sa bonne bouille rubiconde .
    Soufflant à rendre l'âme , il laisse tomber son fardeau sur la toile cirée de la table préalablement débarrassée de tout obstacle avant de s'écrouler de tout son poids sur la chaise que maman lui glisse prestement sous son énorme postérieur .
    Dans un râle d'agonisant , il sort un large mouchoir à carreaux d'une poche de sa blouse grise et entreprend de s'éponger à deux mains , incapable d'articuler autre chose qu'un chuintement de locomotive à vapeur en fin de course. .
    Peu à peu , il reprend vie , son souffle un semblant de régularité , il replie soigneusement son quarré d'étoffe douteux , promène à la ronde un regard bovin et dans un grand sourire bonhomme il parle enfin :

    C'est toujours aussi haut chez vous ma p'tite dame ! Cà va ti comme vous voulez d'puis la dernière fois ???.

    Monsieur Ferrieux c'est l'épicier de la rue de l'Union , il nous livre tous les samedis , à bord de sa fourgonnette Citroën , le ravitaillement de la semaine suivant une liste que maman lui a préparée en détail au préalable.. .
    Sans plus attendre , nous nous jetons tels des morts-de-faim sur la précieuse cargaison sous l'œil débonnaire du gros homme et la molle sévérité des protestations maternelles .

    Une à une nous sortons les victuailles multicolores à la recherche d'improbables friandises peut-être , mais plus sûrement en quête de ce que nous attendons huit jours durant , les cadeaux-réclames , aujourd'hui on dirait les objets de promotion publicitaire .... images d'Epinal désuètes du chocolat Poulain ou autre illustrant les chansonnettes à la mode ou les soldats de l'armée Napoléonienne en grand uniforme que nous collectionnons soigneusement ,collées à leur place dans leurs albums respectifs à l'effigie des grandes marques généreuses .... cahiers , protège-cahiers Amora ( la grande moutarde ) avec tables des multiplications et divisions au verso , gommes , buvards , crayons et taille-crayons à l'époque de la rentrée des classes .... billes , figurines de plastique , petites voitures , visières ou autres toute l'année .
    Trésors que l'on se dispute , que l'on se chipe , que l'on se cache , que l'on s'échange avec des mines de conspirateurs dans la cour de récré .
    Fébrilement  , nous déchirons les papiers argentés des tablettes de chocolat ,ouvrons les boites de Guigoz  ou de Banania , plongeons les mains dans la lessive en poudre , ivres de joie à chaque découverte , divines surprises ponctuées de rires de pleurs et de cris .... fabuleux moments de bonheur qui cinquante ans plus tard me font souvenir avec tendresse de Monsieur Ferrieux .

     


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    </o:p>
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    Je suis à la GRANDE école....

    L'Ecole du Centre ........ un ensemble de bâtiments modernes , béton et grandes fenêtres ,
    mon maître est surnommé « patte de jus » parce qu'il marche avec une jambe raide que l'on soupçonne en bois....
    il est grand , sec , les cheveux luisants de brillantine peignés en arrière , petite moustache à la Charlot ,
    vêtu d'une longue blouse grise qui lui tombe à mi-mollet.

    Il nous demande de sortir nos ardoises et de faire un dessin , n'importe quoi , ce qui nous passe par la tête...
    Je prend mes craies de couleurs et entreprend de dessiner un cheval , je m'applique , tire la langue , marque les volumes en estompant du bout des doigts....
    je crois que c'est assez réussi.
    Le maître claudique entre les tables jetant un œil distrait sur les œuvres des petits artistes au travail ,
    il s'arrête près de moi , se saisit de mon ardoise....
    -Incroyable !...c'est incroyable !!!.......
    Je me demande ce qu'il trouve incroyable , s'il va me féliciter ou me punir.....
    sans me jeter un regard , sans un mot de plus , mon dessin dans les mains ,
    il chaloupe vers la sortie en marmonnant : -Il faut qu'ils voient çà !...

    Qui çà « ils » ?? ........
    j'en déduis qu'il fait allusion à ses collègues des classes voisines ...
    Les autres me dévisagent , perplexes autant qu'interrogateurs...
    Fier et honteux à la fois de m'être singularisé ,
    je me tortille sur mon banc ne sachant quelle contenance adopter...


    Je suis demi-pensionnaire , je ne rentre pas chez moi le midi....depuis que nous avons déménagé c'est beaucoup trop loin.
    En rang nous nous alignons devant la cantine , un éternel fumet de soupe aux choux nous agresse les narines , plus de cinquante ans après , je n'ai qu'à fermer les yeux , je la respire encore , une odeur écoeurante qui n'invite guère à faire honneur à ce qui va nous être servi.

    Nous entrons dans le désordre et prenons d'assaut les grandes tables de formica ,
    essayant de nous grouper par affinités.
    En face de moi , Corbet fait le pitre , il crache dans son assiette de soupe ,
    la tablée s'esclaffe – Qu'est-ce qu'il est dégueu !!!-....
    il plonge sa cuillère dans la mixture , la porte à sa bouche et avale dans un grand bruit de pompe aspirante...
    il s'essuie sur sa manche , lâche un rot sonore ,
    les yeux mi-clos il nous dit la mine gourmande : - Comme çà c'est bien meilleur !!

    En riant on se met tous à l'imiter , on se racle la gorge à la recherche du plus beau crachat afin de vérifier si vraiment la méthode Corbet allait améliorer l'ordinaire...


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    </o:p>


     

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    La première fois de quoi.. ???....

     Tout a été tellement graduel....
    chaque étape une victoire...chaque degré ,  première fois....
    premiers frôlements....premier billet doux...premier baiser à la dérobade...
    premier serment d'éternité ...premier gros chagrin....petits riens d'importance au regard de l'enfant que j'étais.

    C'était avant la mixité....
    les gens de ma génération comprendront l'énorme fossé que ce simple détail a creusé entre hier et aujourd'hui...
    Dès le Primaire , il y avait l'Ecole des Garçons...et l'Ecole des Filles....
    souvent voisines mais toujours séparées d'un mur infranchissable...
    les horaires étaient décalés pour éviter les rencontres.....
    on en était réduit à se balancer des messages d'amour anonymes froissés autour de pierres
    qui voltigeaient par-dessus à la récréation....à cette époque les murs étaient aussi dans les têtes et les cœurs...

    La ségrégation se poursuivait dans le Supérieur....
    Lycée de Garçons...Collège de Filles...
    séparés non plus par un mur , mais par quelques pâtés de maison....
    les rencontres inter-sexes n'étaient pas très faciles , les barrières étaient partout ,
    la morale très stricte et l'éducation rigide....
    étrangement on s'en accommodait , la permissivité n'était pas encore dans l'air du temps ,
    tout le monde était logé à la même enseigne et le plus petit écart prenait allure d'exploit et bâtissait les réputations.

    Vers la 15ème année , ce fut les premières « boums »...
    les premiers flirts...les premières cuites...les premiers baisers profonds....les premières caresses indiscrètes...
    tout cela quand même bien innocent parce que toujours sévèrement encadré...
    les signaux d'alarmes étaient aussi dans les têtes et paralysaient toute initiative intempestive.

    Et puis un jour , j'ai quitté ma province...17 ans...je débarque à Paris...
    le tourbillon...tout était différent...je perdais mes marques...mes repères...
    atelier préparatoire MIXTE ...filles et garçons mélangés...
    on se touche...on s'embrasse...on plaisante...on flirte...partout...tout le temps...
    j'ai changé d'époque...de planète...je ne sais plus...je rêve.

    Un temps j'ai habité en banlieue , puis j'ai trouvé une chambre derrière le Palais-Royal...
    le temps des copains de galère...les soirées à refaire le monde , au bistrot ou chez l'un ou chez l'autre...
    et puis ce jour où franchissant la porte vitrée de notre bar quartier- général
    je fus stoppé net par deux immenses yeux verts qui me regardaient entrer....
    si le coup de foudre existe , ce devait en être un....
    je n'entendais plus rien ne voyait plus rien sauf ces yeux qui avaient emprisonnés les miens...
    dans un état semi comateux je me suis assis en face d'elle et nous ne nous sommes plus quittés....

    Longues promenades romantiques main dans la main  sur les quais
    qui finirent par nous amener dans ma chambre sous les toits.....
    elle assise sur le lit....moi qui parle...qui parle....elle qui me regarde en souriant...
    elle qui commence à se déshabiller sans me quitter des yeux...
    elle qui m'embrasse pour me faire taire....
    et le temps qui s'arrête....et nos corps qui se mélangent...pour la première fois..



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